sinon un petit copier/coller :
14.000 ans
14.000 ans.
7 fois la durée de l’ère chrétienne.
200 fois la durée d’une vie humaine actuelle.
Il y a 14.000 ans, c’était la période du Paléolithique supérieur, la fin de la dernière période glaciaire, plus exactement sa dernière phase, le Magdalénien.
L’homme connaissait les burins, les grattoirs et les perçoirs.
Il allait bientôt découvrir le harpon.
Il lui faudra 4.000 à 5.000 ans de plus pour découvrir l’agriculture.
Son espérance de vie est d’environ 18 ans.
Il meurt avant d’avoir pu connaître ses propres enfants.
Pourtant, il est scientifiquement prouvé qu’il y a au moins 14.000 ans que nous, animaux humains, partageons avec les chiens, animaux non humains, nos vies, nos activités, notre affection, nos problèmes, nos foyers.
Cette durée a été déterminée par la datation de squelettes canins fossilisés découverts dans le même périmètre que des restes humains, parfois même entrelacés à eux.
Partant du principe généralement admis (même si la preuve scientifique définitive n’en est pas entièrement faite) que le chien descend du loup gris (canis lupus), ladite datation est basée sur la forme du crâne de l’animal, celui-ci devant être morphologiquement suffisamment différent de celui d’un loup de la même époque pour être considéré comme ayant appartenu à un chien.
Mais c’est la domestication du chien qui a fait se transformer son squelette.
Il a obligatoirement fallu très longtemps pour cela : des chiens ayant encore une morphologie de loup, c’est-à-dire non encore transformés, adaptés à la niche anthropogénique, ont obligatoirement partagé la vie de l’homme bien avant ces 14.000 ans.
Certains chercheurs, se basant sur la comparaison de fragments d’ADN mitochondrial, avancent le chiffre de 50.000 à 100.000 ans.
Il y a 100.000 ans, l’homo sapiens sapiens que nous sommes n’a pas encore complètement génétiquement émergé : il fait encore partie du groupe des hominidés dont certaines populations s’éteignirent il y a 30.000 ans.
Il maîtrise à peine le feu et commence à construire des outils basiques avec des pierres.
Il ne possède pas de langage articulé.
Le chien est le seul animal domestique à perdurer aux côtés de l’Homme depuis avant même qu'il ne soit homme.
Pour nous qui ne prévoyons que le bout de notre temps et pour qui les durées au-delà de quelques centaines d’années deviennent abstraites, c’est hors de portée de notre entendement.
Le chat fait son apparition à nos côtés avec l’Égypte ancienne, les premiers troupeaux de chèvres, porcs ou moutons apparaîtront vers 6.000 ans av. J.-C., le cheval ne commencera à être utilisé que 2.000 ans plus tard.
Le chien était déjà proche de l’homme depuis des dizaines de milliers d’années.
Avec aucun autre animal nous n’avons tissé de tels liens, ni aussi forts, ni aussi affectifs, ni depuis aussi longtemps, ni dans autant de domaines : on s’est servi et on se sert encore du chien pour tirer des charrettes ou des traîneaux, guerroyer, rassembler les troupeaux, monter la garde, chasser, trouver et secourir des victimes, détecter drogues et explosifs, guider des malvoyants, soulager les terreurs nocturnes et certaines psychoses de frustration ou de solitude, et plus dernièrement simplement pour la compagnie ou … pour présenter un certain statut social à ses semblables.
Quel dessein, quel besoin, quelle envie étranges nous font donc choisir de partager nos vies avec un être d’une autre espèce ?
Un être d’une autre espèce qui, par définition même, ne possède pas le même langage, pas les mêmes codes sociaux, pas la même perception de ce qui l’entoure et surtout pas la même interprétation du monde que nous.
Pourtant, des sépultures de chiens ont été retrouvées dans les civilisations précolombiennes ; c’était le seul animal domestique des Amérindiens avant la colonisation du continent par les Européens ; des peintures rupestres associant l’homme et le chien se retrouvent partout dans le monde.
Le chien est présent dans nos croyances : en Mésopotamie antique, la déesse babylonienne Gula avait un dogue protecteur ; les anciens Égyptiens avaient bâti la cité de Cynopolis en l’honneur du dieu-lévrier Seth et le dieu Anubis protégeait leurs tombes ; en Grèce, le chien à trois têtes Cerbère veille sur l’Achéron ; chez les Aztèques le dieu-chien Xolotl accompagne les morts ; en Chine, le chien T’ien K’uan veille sur les âmes ; parmi les figures chrétiennes Saint-Hubert, Saint-François, Saint-Antoine ou Saint-Roch sont représentés avec un chien.
Le chien est également présent dans notre littérature : chez Homère, le chien d’Ulysse, Argus, a été le premier à reconnaître son maître à son retour de la guerre de Troie ; le poète Lord Byron a rédigé une épitaphe poétique sur la tombe de son chien, tandis que le Roi Salomon, Virgile, Pierre-Augustin Caron de Beaumarchais, Molière, Henry Millon de Montherlant, Victor Hugo, Oscar Wilde, Mark Twain, Aldous Huxley, … tous ont rédigé des écrits sur les chiens, souvent sur leurs chiens.
À travers les âges, ils sont des centaines d’humains célèbres, intelligents, érudits, plébiscités par leurs semblables, des centaines de scientifiques, écrivains, poètes, philosophes, ou tout simplement hommes, à avoir loué et le plus souvent fêté les qualités du chien.
Le chien est depuis toujours dans le cœur des hommes.
Le chien.
Canis familiaris.
Si proche et si éloigné de nous.
Un être bien particulier dans l’histoire humaine, indissociable de celle-ci.
Un ami de l’espèce humaine.
Son meilleur ami.
© Laurent Meltzer, Cynologiste®, Esprit de Chien